La disparition (et le retour !) du loup dans les monts d’Arrée
Des belles histoire entre mythes et réalités
1884, 1890, 1891 ? Le doute subsiste sur la mort du dernier loup en Bretagne. Par contre, aucun doute sur la date "officielle" de son retour : le 4 mai 2022.
Le loup occupe une place particulière dans l’imaginaire de l’Humanité. Voici un peu plus d’un siècle, il était encore la terreur des campagnes bretonnes.
Ses visites étaient désastreuses pour les paysans dont ils décimaient les troupeaux. Et que dire des rencontres la nuit avec les personnes attardées !
En 1806, un contrat de pâturage signé à Botmeur prévoit que le paysan chargé de la garde d’un troupeau de moutons doit veiller à leur bonne santé « fors de mort du loup et de maladies naturelles »
Au coin du feu, les histoires de loups complétaient les histoires de revenants lors des longues veillées d’hiver.
Les contes attribuaient au loup une légende usurpée mais propre à satisfaire l’imaginaire. Si réalité fut moins terrible, elle était aussi moins amusante....
Au cours des siècles, plusieurs récits citent le loup parmi les animaux sauvages rôdant dans les campagnes bretonnes, mais il faut attendre le XIXème siècle pour trouver des véritables traces historiques à travers notamment, à partir de 1882, la mention des primes attribuées pour chaque animal abattu. Une mesure qui allait précipiter sa disparition.
Plus d’un siècle plus tard
Il semble sûr que le dernier loup vivant fut aperçu en 1906 dans les monts d’Arrée, entre Brasparts et Loqueffret, dans le Yeun-Elez. Encore n’avait-il que trois pattes, un piège lui ayant sectionné la patte manquante.
Le lieu-dit Ti-Bleiz en a sans doute trouvé son nom.
Les animateurs d’Addes en racontent l’histoire (un peu enjolivée…) lors de la randonnée "A pas de Loup" de l’association qui se déroule juste en face, sur l’autre rive du lac Saint-Michel.
Le doute subsiste par contre sur le mort "officielle"du dernier loup en Bretagne.
Pour le prestige des monts d’Arrée, on admettra que le dernier spécimen fut tué à l’automne 1884 par Pierre Bérréhar, au Cloître Saint-Thégonnec, qui en a touché la prime le 6 octobre de la même année. Le Musée du loup au Cloître-Saint-Thégonnec en perpétue le souvenir et, surtout, apporte une moisson d’informations sur cet animal, la louveterie et la place du loup dans la société.
On sait également que le cadavre d’un loup fut exposé un peu plus tard, en 1888, sous le porche de l’église de Sizun. Un autre aurait été tué en 1890 à Pleyben.
La dernière prime payée date du 25 mars 1891 : elle a été versée à trois chasseurs de la commune de Milizac. Les anciens de Combrit racontaient enfin qu’un loup fut abattu en 1898 à Quilien, près d’une ferme sur la route de Quimper.
Enfin, le 23 janvier 1903, un vieux loup solitaire, appelé Petitbleu, a été capturé près du Ménez-Hom par M. le Bihan, de Plougastel-Daoulas. Blessé en tombant dans la fosse préparée pour lui, il a sans doute été achevé sur place.
Il resta vraisemblablement quelques loups jusqu’aux premières années du vingtième siècle dans les landes de Lanvaux et la forêt de Loudéac. Un pendu aurait été dévoré par des loups près de Plouay (document ci-dessus) et des portées de louveteaux auraient été trouvées dans des bois du Pays bigouden. Mais, peut-être pas ne s’agissait-il simplement de chiens sauvages…
Aucun doute par contre sur le retour du loup en Bretagne puisqu’un mâle a été filmé par un appareil automatique le mercredi 4 à Berrien (Finistère), dans les monts d’Arrée. L’évènement a été validé par l’OFB (Office français de la biodiversité) à partir des éléments fournis par Emmanuel Holder, conservateur de la Réserve Naturelle des Monts d’Arrée.
A noter qu’un loup mort avait été trouvé à Saint-Brévin-les-Pins en Loire-Atlantique au mois d’octobre 2021.
Surnoms et toponymie
Hervé Guirriec, ancien enseignant au lycée agricole du Nivot, a rassemblé de nombreuses informations sur les loups en Centre-Finistère. En voici quelques extraits :
Le paysan n’osant par superstition appeler le loup par son nom, de crainte de le faire venir, l’affuble de surnoms comme Ki-Noz, Guillou ou Barbaou. Ki-Noz se traduit par "chien de nuit". Gwilhoù kozh est aussi le surnom du Diable. Barbaou fait référence au "Barbeau" de Saint Hervé, le loup qu’il avait domestiqué pour remplacer son âne dévoré par le loup.
La toponymie garde des traces de la présence de loups dans la région notamment à Brasparts (Coadic ar Bleis, Parc Huella Guillou, Liors Guillaouic, Ty Blaise), Saint-Rivoal (Saoulec Guillou Bihan, Goarem Guillou Bihan, Saoulec an Toul Bleis), Scrignac (Lescomblei ou Plounéour-Ménez (Le Pouleis). Un des sommets des Monts d’Arrée est également dénommé Roc’h ar Bleiz.
Il est toujours possible de voir des loups dans les monts d’Arrée. Le domaine de Menez-Meur, géré par le Parc naturel régional d’Armorique, en accueille trois nés en 2010.
Infos.
Méconnu et craint, le loup a pendant longtemps terrorisé nos ancêtres médiévaux. Quand ce loup devenait un homme loup, baptisé loup-garou, l’effroi redoublait.
Ces informations sont tirées des travaux de
Hervé Guirriec, Michel Baron et Jakez Cornou.
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